
Le catholicisme représente la religion historique de l’Europe occidentale. C’est pour cela que nous nous intéresserons particulièrement à son impact contemporain sur le sujet de la maternité en France et en Italie, bien que l’Islam soit aujourd’hui également très pratiquée dans ces deux nations.
Dans un sondage réalisé en 2023, on apprend que 72,7% des Italiens se déclarent catholiques pratiquants. Bien que ce chiffre ait baissé en l’espace de quatorze ans, puisqu’il montait à 81,2% en 2009, le pourcentage actuel reste tout de même bien supérieur à celui de la France, qui s’élève en 2023 à 44% et tombe à 36% chez les jeunes français.

En France, la première loi sur la séparation entre l’Eglise et l’Etat est adoptée en 1905. Cinquante ans plus tard, en 1958, le terme de laïcité est définitivement inscrit dans la Constitution. Depuis, elle représente une valeur fondamentale de la Vème République. Sujet souvent abordé dans les médias et à la télévision, les politiques s’acharnent à faire régner ce principe dans une France devenue multiculturelle.
La laïcité étant obligatoirement à appliquer au sein des lieux publics, elle l’est donc également dans les hôpitaux et cliniques publiques. Nous ne parlerons pas ici du secteur privé qui est soumis à ses propres règles et croyances.
Depuis les années 2000, l’Etat tente de rendre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) le plus facile possible, pour que chaque femme puisse en bénéficier, peu importe son niveau social ou son lieu de résidence. En 2023, les sage-femmes sont par exemple autorisées à pratiquer l’IVG instrumental sans l’intervention d’un médecin.
Evidemment, l’avortement est une pratique fermement condamnée par l’Eglise chrétienne, mais rappelons que seulement 36% des jeunes français pratiquent la religion chrétienne, sondage non-genré. Selon le site du gouvernement, les principales concernées par l’IVG sont les jeunes filles de 20 à 29 ans. En 2022, 234 000 femmes y ont eu recours, qu’il soit médicamenteux ou chirurgical. 26,9% des 20-24 ans en faisaient partie contre 28,6% chez les 25-29 ans. Ces pourcentages augmentent chaque année, non pas parce que les jeunes françaises sont moins prudentes ou moins averties sur la contraception, mais bien grâce à l’accessibilité croissante de l’IVG, peu importe la classe sociale ou le lieu de résidence.

« Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques ou mentaux, individuels ou sociaux » Extrait du Serment d’Hippocrate
Cependant, derrière le médecin de profession reste un individu avec ses croyances et sa morale, ainsi que son droit à l’objection de conscience. Celle-ci se fonde sur des considérations religieuses ou morales reconnues et établies. En revanche, le droit à la santé sexuelle et reproductive (SSR) est un élément essentiel du droit à la vie, à la santé, à l’éducation, à l’égalité et à la non-discrimination. L’accès aux services SSR est un élément essentiel pour permettre aux femmes et aux filles d’atteindre les normes de santé et de bien-être les plus élevés. L’objection de conscience représente alors un frein à ces soins. Des pays du monde entier se sont engagés à garantir que les femmes aient le droit de prendre des décisions concernant leur santé, leur corps et leur vie. Pourtant, plusieurs obstacles juridiques, politiques, socioculturels et systémiques continuent d'entraver l'accès aux procédures de SSR qui sauvent des vies, telles que l'avortement sécurisé, qui sont des soins de santé essentiels et urgents. Un obstacle important survient lorsque les prestataires et le personnel allié ont un conflit de conscience et revendiquent le droit de refuser des services d'avortement sans risque, affirmant que leur droit à l’objection de conscience l’emporte sur les droits sexuels des femmes.

L’Italie est une nation ancienne, mais un Etat uni très jeune. Cela engendre des conséquences importantes dans l’attitude des pouvoirs publics dans la gestion des différences religieuses et culturelles. En effet, l’unification de l’Italie étant récente, l’Etat peine à appliquer ses lois sur l’ensemble de son territoire et la ligne qui le sépare de l’Eglise semble parfois trouble.
L’avortement en Italie est légal depuis 1978. Légal, mais pas évident pour autant. En mai 2022, des dizaines de jeunes prêtres suivis de religieuses et de milliers d’Italiens défilaient dans le centre de Rome en récitant des prières pour manifester contre l’avortement.
En Italie, 67% des gynécologues refusent de pratiquer l’IVG en invoquant l’objection de conscience, beaucoup plus répandue en Italie qu’en France. Par conséquent, les femmes se rendent à l’hôpital sans savoir si le médecin respectera leur décision ou non. Les objecteurs de conscience exercent majoritairement dans la péninsule du pays, où le pourcentage grimpe à 80 %, la religion catholique y étant très pratiquée. Si l’avortement est un droit, refuser de le pratiquer en est un aussi. On donnera l’exemple de la petite région Molise, où pendant quarante ans, un seul gynécologue a pratiqué tous les avortements, reportant deux fois son départ à la retraite. Certaines Italiennes se voient également refuser des soins après un avortement lorsqu’elles se sentent fiévreuses ou perdent trop de sang, ce qui est en total opposé avec le serment d’Hippocrate.

"Les Italiennes pensent qu'elles ont le droit d'avorter, mais, le jour où elles en ont besoin, elles découvrent que c'est incroyablement difficile"
Irene Doradio de l'IPPF-EN
L’Italie est un cas particulier en Europe, où la tendance générale au cours des dernières décennies a été plutôt de lever les obstacles à l’avortement. Le Conseil de l’Europe a condamné deux fois Rome à ce sujet, sans induire le moindre progrès. Les objecteurs de conscience invoquent leur foi catholique, étant donné que l’Eglise reste intransigeante sur l’avortement. L’association des gynécologues et obstétriciens affirme que sa mission consiste à « lutter contre la culture de la mort » et à « promouvoir le respect de la vie humaine dans son intégralité, de la conception jusqu’à la mort naturelle ». Certains pharmaciens refusent même de délivrer la pilule du lendemain, alors que c’est illégal.
L’Eglise et les politiciens d’extrême droite s’allient parfois dans certaines régions telles que le Piémont pour tenter de limiter l’accès à l’IVG. En avril 2023, la région a annoncé qu’elle donnerait 4 000€ à cent femmes envisageant d’avorter pour des raisons économiques afin qu’elles reconsidèrent leur décision.
Certains politiques de gauche et médecins pro-avortement craignent la relecture de la législation actuelle sur l’IVG et sa détérioration dans les années à venir.
